18/09/2009 à 15h12 (mise à jour à 15h36)

KERICHO, Kenya (AFP) - Le Kenya a érigé en priorité nationale la sauvegarde de son principal complexe forestier, la Mau, où des vagues successives de peuplement ont conduit à une déforestation galopante et à l'assèchement de rivières alimentant plusieurs joyaux touristiques du pays.

Le Premier ministre du gouvernement de coalition, Raila Odinga, qui a mis tout son poids politique dans la bataille au risque de s'attirer les foudres d'une partie de ses alliés implantés dans cette région, a lancé un vaste programme visant à expulser les habitants de la forêt et restaurer le couvert forestier.

Car le complexe de la Mau, 22 blocs forestiers répartis sur 400.000 hectares au nord-ouest de Nairobi, fait figure de poumon vert du Kenya, un pays à moitié aride ou semi-aride, dont seulement 1,7% du territoire est couvert de forêts.

"C'est le bassin supérieur de 12 rivières principales dont quatre qui alimentent le lac Nakuru (centre), cinq traversent le bassin du lac Victoria (ouest) et s'écoulent dans le lac, une qui alimente le lac Turkana (nord), une autre le lac Baringo (centre) et une autre qui est la principale source d'alimentation du lac Natron (nord de la Tanzanie)", détaille Christian Lambrechts, détaché du Programme des Nations unies pour l'Environnement auprès du cabinet du Premier ministre.

"On estime à 10 millions le nombre de Kényans qui dépendent directement ou indirectement de la Mau pour leur survie: le bois, (l'irrigation des) plantations de thé, le tourisme du Masaï Mara et de Nakuru, les petits exploitants agricoles etc", explique Jacob Mwanduka, responsable de Fomawa, une association environnementale dédiée à la Mau.

En l'espace de 20 ans, l'écosystème a été largement surexploité par une population actuellement estimée à plusieurs dizaines de milliers de personnes: un quart de la zone, soit 107.000 hectares, a perdu son couvert forestier.

En cause, la déforestation à des fins agricoles, une industrie artisanale et illégale de fabrication de charbon ainsi qu'une exploitation forestière importante avec l'aval du gouvernement.

La sécheresse persistante au Kenya et la dégradation de la Mau n'ont pas manqué de produire leurs effets potentiellement catastrophiques pour l'industrie touristique, agissant comme un électrochoc dans l'opinion publique.

Ainsi, le niveau lac Nakuru, mondialement connu pour abriter l'une des plus larges concentrations de flamants roses de la planète, a dramatiquement diminué, en raison notamment de l'assèchement des rivières qui l'alimentent.

"Ces rivières étaient connues pour être pérennes. Elles sont maintenant saisonnières. On a modifié le couvert végétatif qui a directement un impact sur les possibilités de percolation de l'eau dans le sol", explique M. Lambrechts.

De même, la dégradation de la Mau pourrait compromettre l'attrait touristique de la grande migration des gnous, qui passent chaque année du parc tanzanien du Seregenti à la réserve du Masaï Mara en traversant la rivière Mara et ses innombrables crocodiles. Le spectacle n'était pas vraiment au rendez-vous cette année en raison du niveau anormalement bas de la Mara.

Pour James Kipruto Langat, membre de Fomawa, la solution est radicale: "clôturons la zone, tout le monde part, on sécurise le complexe et on en parle plus"!

La tâche s'annonce beaucoup plus ardue en réalité pour le Premier ministre Odinga qui affirme vouloir éviter les échecs de précédents plans d'expulsion, inefficaces et violents comme en 2005.

Le gouvernement ne fera pas l'économie de l'examen délicat et politiquement périlleux des innombrables situations des occupants de la Mau, en majorité illégaux mais dont une minorité non négligeable détient des titres de propriété.

© 2009 AFP

Généralités et Environnement

Le Kenya veut sauver son principal complexe forestier, au bord de l'asphyxie - afp