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La loutre géante, première victime de l'orpaillageEnvoyé par : Jean-Luc Poillot (Adresse IP journalisée)
Date : Sat 22 February 2003 14:23:04
Lu dans le Monde du 17/02 Lorsqu'il n'est pas directement extrait des mines, l'or peut provenir de la dégradation de gisements dont les débris s'accumulent dans le lit des cours d'eau. Pour récupérer ces paillettes disséminées, il faut effondrer les berges à la lance à eau, puis passer le matériel délité sur un dispositif gravimétrique qui piégera les particules les plus lourdes. Les boues sont ensuite rejetées à la rivière, tandis que le précieux métal est séparé des sédiments à l'aide de mercure. Résultat : pour 1 kg d'or, environ 1 000 tonnes de boue et plus de 1 kg de mercure sont rejetés dans l'atmosphère et dans l'eau. Les particules en suspension étouffent les végétaux, colmatent les branchies des poissons, stérilisent les rivières. Le mercure agit à plus long terme, insidieusement, mais non moins gravement."En Guyane française, cet orpaillage prend des proportions inquiétantes depuis quelques années, polluant un nombre de plus en plus important de rivières", affirme Hélène Jacques, précisant que 5 à 10 tonnes de mercure sont rejetées chaque année dans l'environnement guyanais. Comble de l'absurde, cette ruée vers l'or, le plus souvent illégale, ne rapporte rien au pays. Et si cette jeune femme, docteur vétérinaire à Eybens (Isère) et membre de la Conservation des espèces et des populations animales (CEPA), s'en préoccupe, c'est que cette pratique est catastrophique pour les animaux piscivores. Au premier rang desquels, la loutre géante, qui pêche et consomme une quantité de poissons équivalente à 10 % de son poids. "Parfaitement amphibies, se trouvant en fin de chaîne alimentaire, capables de manipuler des objets avec leurs mains, joueuses et infiniment adaptables, les différentes espèces de loutres représentent non seulement des indicateurs de la qualité des milieux pour les scientifiques, mais aussi des symboles de la vie sauvage facilement appréhendables par le public", poursuit-elle. Raison de plus pour se soucier de leur survie. Or si les treize espèces de loutres réparties dans le monde (parmi lesquelles notre petite Lutra lutra) ont su s'adapter à des biotopes allant des oueds d'Afrique du Nord à la forêt tropicale, quatre d'entre elles sont désormais classées "en danger"dans le Livre rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Avec, en tête de liste, la loutre géante Pteronura brasiliensis, dont il! ne subsisterait plus que quelques milliers de représentants dans toute l'Amérique du Sud. Le gigantisme n'est pas facile à porter. Près de 2 mètres du bout du nez à la pointe de la queue, de 25 à 30 kg : l'espèce, comparée aux mustélidés de nos régions tempérées, manque un peu de finesse. "Objectivement, on ne peut pas dire que la loutre géante est aussi mignonne que ses cousines. Sa tête est trop ronde, son corps un peu trop grand, admet Hélène Jacques. Pourtant cette loutre est attachante. D'abord, elle vit en groupe, ce qui est peu fréquent chez les loutres, volontiers solitaires. Et ce groupe est formé d'un couple, stable d'une année sur l'autre, assorti de la progéniture de l'année précédente, qui joue le rôle de baby-sitter pour les petits de l'année." BRUYANTE ET CURIEUSE Et puis, tout de même, on peut être géante et avoir ses coquetteries. Porter par exemple narines, yeux et oreilles sur une seule ligne afin de sentir, voir et entendre tout en nageant en surface à demi immergée. Cacher dans sa fourrure de nombreux poils de garde, très courts, tel un manteau de velours.. Et tenir sa queue joliment aplatie en position dorso-ventrale d'où ce nom, Pteronura : "queue en forme d'aile". Diurne, vivant en groupe, bruyante et curieuse, cette carnivore avait toutes les qualités pour constituer un objectif de chasse. Entre les années 1940 et 1970, une forte demande pour les peaux de loutre fut à l'origine d'un massacre à grande échelle. Par la suite, la plupart des pays d'Amérique latine accordèrent à l'espèce une protection légale... Mais le répit fut de courte durée. Et l'exploitation de l'or représente aujourd'hui un danger plus grand encore, puisqu'elle menace directement son habitat. Pour les spécialistes, une évidence s'impose : les populations de loutres géantes restantes ne pourront survivre qu'à la faveur d'une collaboration entre les pays qui en possèdent encore. Le plateau des Guyanes demeurant l'un des derniers bastions de l'espèce, la Société française pour l'étude et la protection des mammifères (site web : www.mnhn.fr/sfepm ou www.carnivoreconservation.org) a décidé il y a trois ans d'initier un projet de sauvegarde de la loutre géante en Guyane française comportant notamment des enquêtes et missions sur les fleuves, une sensibilisation du public et un programme d'écotourisme. Mais Hélène Jacques, qui coordonne ce projet, ne se fait guère d'illusions."La seule vraie solution serait de faire appliquer les lois concernant la réglementation minière (récupération du mercure pour les entreprises légales d'exploitation aurifère, démontage des chantiers et surveillance des fleuves pour les illégaux). Les moyens sont simples, mais la volonté manque, probablement parce que le problème se situe à 8 000 kilomètres de la métropole." La France, rappelle- t-elle, est le seul pays riche à posséder 90 000 km2 de forêt tropi-cale encore préservée, hébergeant 5 000 espèces végétales, 700 espèces d'oiseaux et 177 espèces de mammifères... Il serait temps de protéger ce patrimoine, ainsi que les humains et les animaux qui le peuplent. Catherine Vincent Options : Repondre à ce message | Citer ce Message
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