Généralités et Environnement

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Rigolo, non ????

Envoyé par : saint-marc (Adresse IP journalisée)
Date : Tue 18 November 2003 07:31:43


un article de Jacques Gaillard paru dans l'édition de "le monde" du 18 novembre 2003 :

POINT DE VUE
L'ours et nous,
Cela faisait longtemps qu'on n'avait plus de nouvelles : lorsque l'on habite un peu loin des Pyrénées et qu'on n'est pas abonné à un journal syndical des éleveurs de moutons, c'est le risque. Eh bien, rassurons-nous : les ours des Pyrénées prospèrent, ils ont encaissé la canicule sans broncher, on les trouve, paraît-il, au nombre de quinze, un peu partout dans le massif.

Ouf ! Il n'aurait plus manqué, en ce pays dépeuplé par l'incurie des pouvoirs publics face à la déshydratation des vieilles gens, en cette France dont le Medef pense qu'elle se modernise quand on y ferme une usine, dans cette nation partagée, nous disent les meilleurs prophètes, entre antisémites et islamophobes, avec aussi des homophobes, des machistes, des tabagiques et des intellectuels communautaristes (mais si !), il n'aurait plus manqué à l'horreur de ces temps que de mauvaises nouvelles quant à la prospérité des ours des Pyrénées.

On croyait la France en déclin : il lui suffira d'être vigilante. Car il y a une ombre au tableau. Cinq oursons, certes, mais un seul père. Le mâle dominant, dont j'ai - pardonnez-moi - oublié le nom, car il a un nom, comme tous les animaux de cirque et de documentaire animalier. Un mâle vigoureux, donc, qui doit courir la chaîne pour aller d'ourse en ourse, séduire, couvrir, le tout en écartant d'autres prétendants aux dents longues.

On ne voit pas, lorsque l'on est modérément zoophile, en quoi cette paternité exclusive peut poser problème : nous sommes en face d'une loi de nature, dominant implique dominés, il y a le plus fort, donc il y a des plus faibles, c'est même pour ces raisons que le capitalisme libéral passe pour le plus naturel des systèmes. Erreur : un grand connaisseur des ours (c'est sa fonction et, sans doute, sa raison d'être) est venu, devant la France entière, au journal télévisé d'une chaîne du service public, le soir, à l'heure des nouilles, proclamer sèchement que la chose ne saurait durer sans compromettre... le programme. Non, pas la vie des ours, ils vont très bien, mais, vous dit-on, c'est le programme qui est en péril. Pourquoi ? On ne sait. Les autres ours mâles vont peut-être s'ennuyer au point de franchir la crête pour essayer de draguer en Espagne ? Cela n'a pas été signifié au téléspectateur haletant. On est directement passé à la conclusion : "il est indispensab! le" de rajouter des ours, ou des ourses, ou un peu des deux, en tout cas, de mettre la main de l'homme, et largement, pour corriger la malveillance de la nature, qui consacre le pouvoir d'un mâle dominant. Et donc, de sauver le programme, au grand dam des moutons - le "sujet" du journal télévisé se terminait, sibyllin, par l'évocation de quelques râleries prévisibles côté bergers et communes de montagne.

"Indispensable". Certes, pour obtenir un sou, il faut jurer que cinq francs sont indispensables. Mais comment ne pas ressentir une vague indécence à cette exigence, alors que le nécessaire fait défaut un peu partout ? Et même en matière d'environnement : le même soir, on s'inquiétait des crédits promis à chaud par le premier ministre, puis refusés, à froid, aux communes dévastées par les incendies de l'été. Cette carence paraît infiniment plus grave.

Ne parlons pas des autres nécessités, même modestement formulées : un peu de paix ici, un peu de justice là, un peu plus de sincérité, peut-être, dans tous ces mensonges ministériels et toutes ces comédies matignonesques si mal jouées qu'on ressent une vague honte, un peu moins de délire pour les crédits militaires, un peu plus de sous aux chercheurs qui risquent de nous guérir du cancer, bref, mille choses infiniment plus importantes que les ours en général et ceux des Pyrénées en particulier.

"Indispensable !"C'est ainsi que l'écologie se déshonore, en mélangeant l'essentiel et le futile, la sauvegarde de l'air pur et celle des cloportes, la sécurité alimentaire et l'interdiction des corridas, la protection des paysages habités par les hommes et l'aménagement de sanctuaires réservés aux fauves disparus.

Certes, l'écologie politique est bien autre chose, et quelque chose de bien mieux que cette obsession de fabriquer une fausse nature, une nature où le berger nourrit le loup, et où l'on importe de l'ours pour circonvenir le mâle dominant. On voit que l'on peut, dans ses rangs, s'inquiéter du destin du monde et de la vie des hommes, gérer la cité, imaginer un avenir plus sûr et plus harmonieux - mais alors, cessez, par pitié, de semer des conflits, des rancoeurs, des bagarres dans les alpages, de faire geler les chantiers d'une autoroute pour un pique-prune finalement banal comme la mouche du vinaigre, de saisir les autorités européennes pour quelques centaines de canards, et la liste des bêtises commises ou encore à commettre est bien longue.

Cessez de mettre sur le même plan, dans la même lutte, l'important et son contraire. Car, pendant ce temps, il se peut que des multinationales bien connues répandent, dit-on, des insectes dévorants sur les maïs, pour rendre incontournable le recours aux espèces génétiquement modifiées ! Rumeur, ou non ? Qu'en pense l'ours ?

Il y a sans doute pire. A trop militer pour le bonheur des bêtes, on oublie vite le destin des gens. Combien de jeunes citoyens, à l'âge du bac, revendiquent encore comme totem le dauphin, et déclarent n'avoir rien à foutre d'un bulletin de vote ? Phénomènes disjoints, dira-t-on : la chose n'est pas certaine. J'ai assez entendu de protecteurs des plantules et des bestioles me lancer à la face leur mépris du politique et leur fierté d'abstentionnistes purs et lâches.

Quand on juge "indispensable"d'améliorer la sexualité des ours, on peut légitimement être soupçonné de tenir tout le reste pour facultatif. Et on ne peut pas militer partout. Sinon, on est des militants du lendemain, comme un certain jour d'avril de l'an dernier.

Ce qui est indispensable, ce n'est pas le retour de l'ours des Pyrénées, c'est le retour de la responsabilité. Et l'environnement, pour le coup, glace d'effroi : on subit la plus réactionnaire des politiques, la France d'en haut ruine et écrase celle d'en bas, la vie politique nationale est tétanisée, une censure inouïe interdit de dire dans un sondage que la paix mondiale est menacée à la fois par Israël, la Corée du Nord, l'Iran et les Etats-Unis, on se demande où l'on va en Irak, et tous les efforts pour être simplement optimiste semblent vains...

Alors, que le mâle dominant prenne ses responsabilités, et avec les sous économisés par la non-importation de ses congénères, on paiera des tas de trucs simplement utiles, des aides ménagères, des pions au lycée ou des vaccins pour le tiers-monde (ne sous-estimez surtout pas l'entretien d'un ours des Pyrénées : il est si élevé que, même en consultant sur le Net les sites gouvernementaux, vous n'aurez pas un chiffre !). Normal, dans un pays ravagé par le déficit. On a assez gaspillé de temps et d'énergie à des futilités : il y a, messieurs-dames, une République à sauver, un chômage à résorber, une extrême droite à refouler, une extrême gauche à civiliser, une paix mondiale à trouver et deux trous à combler, l'un dans la Sécu, l'autre dans la couche d'ozone. L'ours, on verra plus tard.

Jacques Gaillard est maître de conférences de latin à l'université Marc-Bloch de Strasbourg et écrivain.

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Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : fx (Adresse IP journalisée)
Date : Tue 18 November 2003 07:41:56

En quoi est ce rigolo, c'est plutôt juste comme analyse...

15000 morts cet été pendant la canicule?

Combien cet hiver?


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : saint-marc (Adresse IP journalisée)
Date : Tue 18 November 2003 07:58:35


Pauvre petite chose sensible et démago!

les morts de cet hiver, t'en a rien a cirer, ils canneront en ville...

T'en as vraiment quelque chose à cirer, toi, de ce qui se passe en ville ?

C'est nouveau

jean-luc saint-marc


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : Laurent (Adresse IP journalisée)
Date : Tue 18 November 2003 08:15:47

Jean Luc : 1
FX : 0


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : snowbunting (Adresse IP journalisée)
Date : Tue 18 November 2003 18:20:20

Ce cher mr Gaillard, plongé dans ses bouquins de Cicéron ou Tite Live, semble avoir oublié, au profit de sa mentalité d'écolo de salon, que l'homme (Homo sapiens) n'est que partie de la Nature et rien d'autre. Il semble avoir oublié que l'on ne peut comparer que ce qui est comparable. Que les fonds qui servent à la gestion de l'environnement ne sont pas gérés par les mêmes services que les fonds sociaux... Qu'il faudrait peut-être penser à autre chose qu'aux guignoleries de nos politiciens, qui ont fait assez de ravages sur les écosystèmes pour que l'on cherche désormais à les restaurer.
Et enfin que la protection de la Nature est une chose nécessaire et sérieuse, contrairement à ce que notre éminent professeur semble croire.


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : saint-marc (Adresse IP journalisée)
Date : Tue 18 November 2003 19:18:04

Etre d'accord ou ne pas être d'accord avec ce Gaillard qui signe de son nom et de ses qualités, donne un avis de citoyen dans une ouverture d'horizons proposée et se fait claquer la porte sur les mimines, n'est pas le problème en soi...
Le danger tapit dans nos ombres est que la nature que l'on aime affubler d'une majuscule n'est pas le domaine de tout un chacun, même si l'on aime à asséner que l'homme n'en est que partie. Chasse à l'intrus.

dommage...

jean-luc saint-marc


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : fx (Adresse IP journalisée)
Date : Wed 19 November 2003 10:17:01

Mais si ce qui se passe en ville m'intéresse... puisque dès qu'il y a un problème en ville, la solution passe systématiquement par la campagne!

Quelques exemples: centres pour mineurs, incinérateurs, décharge, éoliennes, centrale nucléaire...

Ai je égalisé?


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : snowbunting (Adresse IP journalisée)
Date : Wed 19 November 2003 18:41:55

FX, tu t'intéresses aux minables citadins?

D'ailleurs, dès qu'il y a un problème en campagne, ça passe aussi par la ville: j'ai rarement vu une administration s'installer en pleine forêt!
Bon, allez, on va te faire plaisir. 1 partout.

Pour ce qui est du latiniste de service, je ne reprendrai pas les discutes qu'on a déjà eu avec JLSM (pas assez de forfait :-)), mais une fois sorti des bouquins de Cicéron, il faudra que notre Gaillard comprenne qu'il y a autre chose à protéger que les humains sur cette Terre.

SB


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : fx (Adresse IP journalisée)
Date : Thu 20 November 2003 06:36:23

Protéger un peu les humains, en particulier les enfants, ne me semble pas incompatible avec la protection de l'environnement.

Oui, en tant qu'homo ruralis je m'intéresse beaucoup à la sous espèce homo ruralis citadinus qui a oublié que ces ancètres ont entretenu pendant des siècles nos campagnes.


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : François (Adresse IP journalisée)
Date : Thu 20 November 2003 09:48:19

Bonjour
Pourquoi ce mépris des aureurs latins ? Certes, Cicéron était un avocat véreux et politicard aigri mais Pline l'Ancien a écrit de belles choses sur la vie animale.
F.


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : Denis Dufriard (Adresse IP journalisée)
Date : Thu 20 November 2003 13:33:12

Je suis d'accord avec toi François.


Re: Rigolo, non ????

Envoyé par : snowbunting (Adresse IP journalisée)
Date : Thu 20 November 2003 16:58:32

Aucun mépris pour les auteurs latin.
Par contre, un profond mépris pour les professeurs de latin qui, traduisant les oeuvres des auteurs antiques, croient avoir tout compris et se permettent de le dire.
SB


sacré Gaillard

Envoyé par : saint-marc (Adresse IP journalisée)
Date : Tue 25 November 2003 19:30:25

in "le monde", le canard, daté au 25 novembre 2003,
rubrique "au courrier des lecteurs" :

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L'ours et le latiniste

Monsieur Jacques Gaillard est maître de conférences de latin à l'université Marc-Bloch de Strasbourg et écrivain. (...) Cela lui donne visiblement le droit d'occuper deux pleines colonnes du journal (le monde du 18 novembre) (...) et de parler sur un ton péremptoire de ce à quoi il est insensible et qu'il ne connaît pas : la protection de la nature et des espèces qui y vivent. Il a aussi le droit de porter des jugements malveillants sur des gens dont une part non négligeable (...) milite à la fois dans des associations naturalistes mais aussi dans des organismes humanitaires, des partis politiques et des syndicats. (...)
Surtout, rassurons notre humaniste : le gouvernement actuel, qu'il n'a pourtant pas l'air de beaucoup apprécier, partage les mêmes "valeurs" fondamentales que lui et fait quand même de "bonnes" choses : les crédits affectés à la protection des petites fleurs, des petits oiseaux et des 15 ours plus ou moins français (crédits qui représenteront en 2004 l'équivalent de 4 ou 5 kilomètres d'autoroute ou le salaire de 5 à 6 footablleurs vedettes !) sont en baisse sensible et continue ; à tel point que cela entraîne d'ores et déjà de nombreuses suppressions d'emplois (forcément inutiles, quand on lit M. Gaillard) dans les associations d'étude et de protection.
Ce sont les vieux et la couche d'ozone qui vont être contents... et pour l'ours, on verra plus tard, quand il n'en restera plus.
Mais bon, on enseigne bien des langues mortes; alors la nature ...

Noëlle Chamarat et Guy Labidoire
Eyjeaux (Haute-Vienne)

#######################


Re: sacré Gaillard

Envoyé par : Laurent (Adresse IP journalisée)
Date : Wed 26 November 2003 14:46:47

excellent !



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