Généralités et Environnement

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Envoyé par : Valéry (Adresse IP journalisée)

Date : Thu 27 November 2003 08:59:26

Nuisibles les corvidés ?
Pierre Leprince et Albert Demaret

Sujet récurrent dans la presse (1) et dans les déclarations de certains hommes politiques (2) , la question de savoir si les corvidés peuvent être une menace pour la survie des passereaux communs est aussi fréquemment posée par une partie du grand public.

D'où vient cette idée coriace que les corvidés, sans doute les plus «intelligents» des oiseaux, sont nuisibles aux autres espèces ? Est-elle justifiée objectivement ? Faut-il s'en inquiéter ? Que répondre à ces affirmations qui mettent en cause notre conception de l'équilibre naturel entre espèces et des relations entre les oiseaux et l'homme ?

Les corvidés sont des prédateurs de diverses espèces de passereaux communs : ils s'attaquent volontiers aux oeufs ou aux nichées de ces espèces. C'est un fait indéniable. Lorsque les proies invertébrées viennent à manquer lors de l'élevage de leurs jeunes, certains corvidés, en particulier la Pie bavarde, prélèvent des oeufs et de jeunes oiseaux dans les nids de diverses espèces de passereaux que l'on rencontre dans les banlieues ou aux abords des villages.

Mais il n'est pas du tout établi que ce comportement ait un effet négatif sur les populations des proies ni d'ailleurs un effet positif sur les populations de corvidés, que certains jugent à tort être en augmentation. Les résultats de la surveillance de l'avifaune par points d'écoute indiquent en effet que toutes nos espèces de corvidés ont des populations stables (3). De toute évidence, cela reste un phénomène très limité géographiquement, qui est favorisé par l'influence de l'homme sur les équilibres écologiques.

Toutes nos espèces de corvidés sont florissantes, même le rare Grand Corbeau. Mis à part le Corbeau freux, qui est plus franchement végétarien, ce sont des espèces opportunistes, qui exercent depuis des époques très lointaines une prédation sur de nombreuses espèces d'oiseaux. Ces dernières ont-elles diminué pour autant ? Évidemment non ! Pour la simple et excellente raison qu'un prédateur dépend de ses proies pour son propre succès, toute surconsommation sera sanctionnée par une disette fatale pour le prédateur : c'est d'abord la proie qui régule le prédateur. Et celui-ci peut par ailleurs être l'objet d'une prédation importante. En l'occurrence, la Pie bavarde est elle-même victime de la... Corneille noire, sa cousine et voisine qui pille fréquemment ses nids et contribue à limiter ses populations à d'étroites zones associées aux établissements humains.

Et c'est bien là le paradoxe de ce prédateur et de sa perception par les observateurs humains : la Pie bavarde est essentiellement liée aux zones où l'homme est fortement présent. En effet trouver un nid de pie à plus de cinq cents mètres des habitations est exceptionnel. Elle profite ainsi de sources de nourriture que nos activités lui offrent : animaux tués sur les routes, poubelles, fruits dans les jardins, aliments pour animaux domestiques constituent une base alimentaire qui assure sa survie et contribue à fidéliser sa présence dans les villes et aux abords des fermes. En outre, nous compliquons la situation en favorisant d'une part la présence dans nos parcs et jardins de nombreuses espèces de passereaux dont nous surveillons le succès et le bien-être, et d'autre part une population de super-prédateurs, les chats, dont nous ne voulons pas reconnaître le rôle néfaste. Lorsque l'on sait que dans des zones résidentielles il peut y avoir 25 chats par couple de pies, on est en droit de se demander qui est vraiment responsable de la prédation la plus importante, que certains citadins et habitants des campagnes attribuent trop rapidement à la Pie bavarde.

Une situation semblable existe pour les corvidés accusés de prédation sur les espèces «gibier» dans les forêts et les campagnes. Quel chasseur a conscience, lorsqu'il nourrit ses sangliers en hiver avec des céréales, de favoriser la survie des corneilles et de geais qu'il accusera, le printemps venu, de gober les oeufs de faisans et perdrix et de tuer de jeunes lièvres et lapins ?

À cause de cette mauvaise réputation non méritée, des dérogations peuvent toujours être obtenues en Belgique pour la destruction des corneilles et des pies. Malgré cela et en dépit d'efforts de destruction systématique, mais sans beaucoup d'effet, de la part de certains, leurs populations se maintiennent, tout comme celles de leur proies... On peut espérer que la seule chose qui disparaîtra à terme sera cette animosité inutile et non fondée que leur réservent encore trop de personnes mal informées. .

(1) Le Soir Illustré du Mercredi 12 juillet 2000, p. 47, billet de René Henoumont, intitulé «Les tueurs silencieux»; brèves dans Sylvia Belgica, n°110, février 2003

(2) Lettre de Jacques Vandenhaute, bourgmestre de Woluwe-St-Pierre adressée à Didier Gosuin ministre régional en charge de l'Environnement...

(3) Cf. [mrw.wallonie.be] progISB/oiseaux/survois/HOME.HTM

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