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Envoyé par : jean-luc saint-marc (Adresse IP journalisée)

Date : Sat 9 October 2004 04:23:58

La fourmi d'Argentine, timide chez elle, envahisseur effronté ailleurs



Timide et discrète chez elle, la fourmi d'Argentine s'est muée hors de son territoire en un envahisseur effronté qui a colonisé la plus grande partie des régions à climat méditerranéen de la planète."Ici, cette fourmi n'a rien de spécial. Mais elle a acquis des caractéristiques spéciales en voyageant", souligne à Buenos Aires le scientifique français Pierre Jaisson, spécialiste mondialement connu du comportement des insectes sociaux.Dans le nord de l'Argentine et le sud du Brésil, d'où elle est originaire, "linepithema humile" habite des fourmilières classiques "qui refusent l'intrusion des fourmis étrangères, y compris celles de la même espèce". A l'étranger, son agressivité disparaît et ses fourmilières ne forment qu'une seule et gigantesque colonie, relève le Pr Jaisson dans un entretien accordé à l'AFP.La fourmi d'Argentine ne voyage pas de son propre gré: elle est transportée à son insu par l'homme, dans des pots de fleurs par exemple. Ses énormes colonies du sud de la France, d'Australie ou d'Afrique du sud ont été créées par quelques individus seulement. "Leur pool génétique est donc pauvre. Les fourmis se reconnaissent à l'odeur. Avec un pool génétique pauvre, les odeurs se ressemblent et les fourmis des diverses colonies peuvent se mélanger", explique le scientifique.Le premier ennemi des fourmis étant les autres fourmis, cette coexistence pacifique confère aux envahisseurs argentins un énorme avantage sur leurs congénères autochtones. Et, comme toutes les autres espèces "importées", les fourmis d'Argentine bénéficient de l'absence de prédateurs et de maladies spécifiques. "Elles ont beaucoup de succès car rien ne s'oppose à leur expansion"."Les fourmis d'Argentine ont toutefois une faculté d'adaptation climatique assez limitée, qui les confine dans une étroite bande littorale dans les régions à climat méditerranéen. Heureusement, d'ailleurs"... souligne le Pr Jaisson.Là où elle s'implante, cette petite fourmi noire peut se révéler une véritable nuisance, envahissant maisons et bâtiments publics. Elle peut aussi transporter des germes, ce qui en fait une menace pour la santé publique.La fourmi d'Argentine n'est que l'une des 11.000 espèces connues de fourmis. En fait, le nombre véritable d'espèces dans le monde atteint probablement les 25.000 à 30.000. "Les fourmis", explique le Pr Jaisson, "constituent probablement la famille la plus diverse parmi les insectes, peut-être même du règne animal". Les termites, plus anciennes, ne comptent ainsi que 2.500 espèces.La variété des modes de vie entre types de fourmis est connue: on compte des fourmis guerrières, cultivatrices, esclaves ou éleveuses. Mais on sait moins qu'au sein du genre, le nombre de paires de chromosomes va de 1 à... 96 (l'homme en a 23). La fourmi peut être ainsi l'animal qui a le moins de chromosomes, à égalité avec une sorte de ver parasite - qui, lui, n'est pas un animal social - ou l'un des animaux qui en a le plus.Le Pr Jaisson s'est amusé à calculer que si toutes les fourmis du monde formaient une file indienne, la colonne couvrirait 90 fois la distance aller-retour de la Terre à la Lune. Une étude allemande a montré qu'en Amazonie les fourmis pèsent quatre fois la biomasse de tous les vertébrés terrestres.Les fourmis constituent par ailleurs un bon marqueur de l'état d'un dégradation d'un milieu naturel: moins il y a d'espèces, plus le milieu est endommagé, même si la quantité de fourmis reste globalement la même.

AFP | 09.10.04 | 04h31

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